L'exercice d'aujourd'hui est à la fois sensoriel, poétique et symbolique.
Il conjugue matière, texte, couleur et transformation, quatre dimensions fondamentales en art-thérapie. Sous son apparente simplicité, il touche des thèmes profonds : la mémoire, la métamorphose, le détachement et la reconstruction de sens.
Nous allons donc explorer la transformation, le lâcher-prise et la reconstruction à travers la couleur, la matière et le collage à base de pages imprimées.
Matériel
- Votre petit carnet
- Vieille pages écrites de livre ou magazine
- Une carte rigide tyoe carte de fidélité ou spatule en plastique
- De la peinture
- Feutres ou stylo pour écrire
1. Transformer l’ancien : symbolique du recyclage intérieur
Utiliser des pages d’un vieux livre ou magazine, c’est travailler à partir de quelque chose qui a déjà vécu. Ces pages portent une histoire, des mots, des traces. Les recouvrir, les déchirer, les recomposer, c’est faire l’expérience du renouvellement :
« Je peux transformer l’ancien, le passé, en quelque chose de nouveau et vivant. »
C’est un processus symbolique de renaissance, proche de celui de la résilience : déconstruire pour reconstruire autrement.
2. La couleur comme émotion
Les 3 ou 4 teintes d’aquarelle choisies intuitivement deviennent le langage des émotions.Le geste de racler la couleur avec la carte, laissant apparaître des fragments de texte, évoque la coexistence entre ce que l’on recouvre et ce que l’on laisse visible.
Cela symbolise la mémoire émotionnelle : certaines choses sont estompées, d’autres persistent.
L’acte de peindre avec un outil inhabituel (la carte) favorise le lâcher-prise et la pleine conscience gestuelle : on se concentre sur la texture, la pression, la fluidité du mouvement.
3. Déchirer et recomposer : un geste de libération
Le geste de déchirer est fortement libérateur. Il permet d’exprimer des émotions contenues, de “rompre” avec le contrôle ou la rigidité.
Assembler ensuite les morceaux, c’est réparer, réorganiser, redonner du sens à ce qui a été morcelé.
Une métaphore claire du processus thérapeutique :
“Ce qui a été déchiré peut devenir matière à création.”
4. Le collage : trouver l’harmonie dans le chaos
Le collage invite à composer avec l’imprévu : formes irrégulières, textes tronqués, couleurs mêlées. Cela renforce la tolérance à l’imperfection et la capacité d’adaptation. Les morceaux deviennent comme des fragments de vie qui, une fois réunis, forment une nouvelle image cohérente.
5. Le titre : acte de sens et de clôture
Mettre un titre à la production n’est pas anodin : c’est un acte de reconnaissance et d’appropriation. Le titre vient donner du sens à l’œuvre, mais aussi à l’expérience vécue. C’est une manière douce de poser des mots sur ce qui s’est exprimé sans paroles.
Quelques références littéraires et artistiques sur la déchirure et la recomposition
- Henri Michaux (Épreuves, Exorcismes, 1940) : il explore la création comme exorcisme des tensions internes, où la destruction du trait ou du mot est un passage vers la liberté.
- Paul Klee : pour lui, l’art est “rendre visible l’invisible”. Les formes imparfaites, fragmentées, expriment mieux la vie que les lignes parfaites.
- Christian Bobin (Le Très-Bas) : il évoque la beauté dans la fragilité, dans ce qui est fêlé, déchiré, imparfait.
- Leonard Cohen : “There is a crack in everything, that’s how the light gets in.” — (Anthem, 1992)
→ Ce vers résume parfaitement l’idée que la faille, la déchirure, est l’ouverture par laquelle passe la lumière.
- Louise Bourgeois, artiste et sculptrice, a souvent travaillé la couture et la réparation textile comme métaphores du soin psychique : “Je répare parce que c’est ma façon de comprendre.”
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